14/09/2007

Zodiac, de David Fincher

Riche, ample et long, Zodiac pourrait être un film complexe et foisonnant. Sa grandeur est pourtant dans sa simplicité. Humble, David Fincher s’en tient aux faits réels, aux résultats de l’enquête. En somme, Zodiac conte moins l’histoire du « tueur du Zodiac » que celle de sa recherche, de sa traque. Jamais le spectateur n’en saura plus que ce qu’il en est vraiment. Jamais le cinéaste ne désignera de coupables. Tout ce qu’il nous donne, c’est une probabilité. Vingt-deux ans après, il y a 8 chances sur 10 pour que l’on ait identifié le tueur de 1969, aucune certitude. L’enquête est close, précise le cinéaste. On ne pourra donc définitivement pas mettre un visage sur l’assassin sans prendre un peu de recul. Ou sans se retourner…


Comme tous les autres films de Fincher, Zodiac est, en effet, un film paranoïaque. Le tueur peut être partout : dans les caves, dans la nuit, dans le noir ou même derrière les arbres et juste derrière soi. Mais il peut être aussi n’importe qui, derrière n’importe quel visage. Lorsque notre boy-scout se rend au magasin où travaille son suspect principal, il veut se convaincre que la poursuite est finie, que sa quête a trouvé son terme. Le champ veut trouver son contrechamp. En un instant, il le saisit puis le quitte : les regards se croisent, intrigués. Peut-être cet homme rustre, lourd et presque décevant est-il derrière tout ça, derrière chaque plan. Est-ce possible ? L’enquêteur et le cinéaste posent ici la question : l’énigme entière se résume t-elle à cette clé ? Est-ce l’homme qui, dès le début, engloba San Francisco du regard ? Est-ce lui qui l’observe de loin, comme une maquette ?
Non, cette vue pleine, entière et souveraine n’est pas la sienne. En l’adoptant, Fincher n’adopte pas le point de vue du tueur mais le point de vue du mythe. Il contemple nos héros, les attire, et eux le cherchent. Cette quête impossible, insensée, parcourt leur existence et la trace malgré eux. Le cinéaste la suit le plus simplement possible; il lui sacrifie la logique du quotidien comme celle du film d’enquête. Le Zodiac qu’il nous montre ressemble à ses messages codés : illisible et attirant, il s’adresse à tous sans être l’œuvre de personne- la graphologie, la science ou la raison le prouvent. Il est moins un tueur qu’une pure projection de l’imaginaire collectif.


Le vrai sujet de Zodiac ne se cache donc derrière personne. Il est là, partout, dans la succession des suspects, des enquêteurs qui tentent d’approcher le mythe. Dans celle des voitures et des tenues qui cherchent à le ressusciter. Le sujet de Zodiac est dans ses transitions, ses coupes, ses ellipses et ses sauts incessants. Dans tout ce qu’évoque, simplement, une chanson de Donovan. Film actuel et désarmant, honnête au point de montrer tout et rien que ce qu’il peut, fait de mystère et d’intuition, il n’a pas à se soucier du passé, des erreurs ou des échecs de David Fincher. Zodiac est l’œuvre d’un auteur parvenant à la maîtrise de son art.

M.P