14/09/2007

De l'énergie !

Pour Erich Von Stroheim et Guillaume Denis.


Nous n’aimons plus le cinéma. Nous y allons comme par devoir et nous sommes presque toujours déçus. Il n’y a pas si longtemps encore, une sortie était un bonheur, une séance était un mystère et un film, une promesse. Il était attendu, guetté, rêvé, et nous l’aimions d’avance. Nous en sortions surpris, choqués, heureux et même remplis de joie. Aujourd’hui, nous ne sortons de la salle qu’avec une vague impression de dégoût. Des communions « populaires » aux créations d’artistes, nous ne trouvons jamais qu’immondice, laideur ou vanité. Et dans ce marasme internationalement partagé, le cinéma français n’a que le mérite et la chance de réussir à nous faire honte. Godard parti, Straub exilé et Rozier ignoré, le temps des cahiers d’or est loin. Et ces noms là ne font plus vendre. Lorsque Danièle Huillet mourut, le 9 octobre dernier, personne n’en parla donc vraiment. Une partie de la presse spécialisée en fit état et le ministère de la culture envoya, pour l’occasion, un communiqué de presse de quatre phrases qu’aucun média n’a même voulu relayer. C’est tout, et c’est déjà beaucoup dire. Qui faut-il accuser ? Le public et sa volonté stupide, acharnée, de ne voir aucun film qui sorte de l’ordre du « normal » ? Oui, bien sûr, mais pas seulement. Un film qui ne sort que dans deux salles en France ne sera jamais un succès. Est-ce la faute aux distributeurs, aux producteurs, aux centres d’aides et de soutien au cinéma qui refusèrent toujours de financer les Straub ? Oui, c’est sûr, mais pas seulement. Aucun média, aucune organisation médiatique dépassant le cadre des initiés ne va couvrir un film signé Straub et Huillet. Même la critique refuse le plus souvent de faire écho à ce qu’on appelle, paraît-il, un « film sauvage ». Personne ne s’élève contre l’avis général, personne ne réfute les accusations stupides, personne n’attaque tous ceux qui oeuvrent pour réduire et enfermer le couple dans ce qu’il faut bien appeler l’anonymat. Pour eux comme pour tout le cinéma, c’est l’acceptation sans complexe qui domine désormais. On nous dit que la richesse du cinéma est dans sa diversité et l’on fait taire les cinéastes les plus originaux. On prétend que le cinéma est en progrès perpétuel, qu’il coure vers l’avenir et l’on nie l’existence même de ceux qui font le présent. Il ne s’agit même pas ici de critique ou de cinéphilie, il s’agit d’engagement. Par mollesse ou par facilité, personne ne s’engage plus. Irions-nous, d’ailleurs, exiger l’engagement d’un critique ou d’un homme si toutes ses convictions s’arrêtent à son film de la semaine ? Certainement pas. Il faut d’abord que nous retrouvions, nous même, tout ce que nous avons perdu. Il nous faut de l’envie, du goût et de la force d’affirmation. Il nous faut la rigueur, la grandeur et l’humour. Il nous faut être honnêtes, radicaux mais magnanimes. Il nous faut retrouver, en bref, quelque chose de très simple et de fondamental : de l’énergie !