13/09/2007

2007, une chronique cannoise.

Faute de temps, nous ne pouvons rendre compte que de trois films présentés en sélection officielle, Import Export de Ulrich Seidl, Paranoid Park de Gus Van Sant et Death Proof de Quentin Tarantino. Parce que ces trois films sont aussi différents qu'inégaux, il nous faut procéder au cas par cas sans perspective de synthèse (comment le pourrions-nous ?). L'actualité nous invite précisément à entreprendre cette démarche, tant sont nombreux les films qui sortent au cinéma simultanément, ou en différé, à leur projection sur la croisette: ainsi le spectateur a-t-il pu découvrir en salle Zodiac de David Fincher, Les chansons d'amour de Christophe Honoré, Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel et Tehilim de Raphaël Nadjari, quatre films de la prestigieuse sélection officielle. Quelle place alors pour le chroniqueur ou le critique de cinéma? Par un heureux coup du sort, les films de Seidl et Van Sant ne sont pas encore programmés dans nos salles ; la parole critique devient alors prophétique...


Import Export


D'entrée de jeu, le ton est donné: des plans autonomes, comme des vignettes, composent le tableau impressionniste d'un pays abandonné de Dieu, en proie aux neiges infernales de l'Ukraine; une jeune femme, infirmière et blonde, erre dans un monde désolé, en quête d'argent et, peut-être, d'un mari...Les séquences d'un jeune viennois, d'abord vigile dans une grande surface, puis chômeur minable et surendetté, répondent comme un contrepoint à cette existence sordide; le montage parallèle tisse un lien d'espoir entre les deux humanités: Olga, partie pour l'Autriche à la recherche d'un travail, fera-t-elle la rencontre de Paul, âme esseulé au ban de la société? Attention, chez Seidl, pas de place au sentimentalisme. Import Export est en réalité une allégorie de la mondialisation, l'instantané d'un monde où les lois capitalistes transforment l'être humain en véritable marchandise. Si le propos est fort honnête, le film lui ne convainc pas; osons le dire, il est même complètement raté. C'est à croire que le cinéaste hésite encore entre le documentaire et la fiction, comme si cette hésitation n'était pas au coeur du cinéma mondial depuis plus de cinquante ans. C'est donc bien le mal qu'il faut diagnostiquer dans le cinéma contemporain: les réalisateurs ne vont plus au cinéma ! Passons à autre chose, nom de Dieu !


Paranoid Park



Pour le cinéphile amoureux des derniers films de Gus Van Sant, il y avait quelque appréhension à ne pas retrouver, lorsque s'éteignaient les lumières de la salle, le format 1/1.33 caractéristique de la photographie d'Elephant et de Last days, si beau, si pur, si concentré. Mais on se souvient aussi des premiers longs-métrages du cinéaste, ces fictions hétérogènes, ces charmes métissés et insaisissables, et tout vansantien convaincu sait que le plaisir naît de l'impondérable et de l'inattendu. S'il fallait ériger cette dernière remarque en maxime, Paranoid Park pourrait bien faire figure de nouveau chef-d'oeuvre dans la filmographie du maître de Portland. Non qu'il soit parfait; en cela les compositions d'Elephant et de Last days, voire même de Gerry, sont autrement plus vertigineuses. Mais il semble que le dernier film de Gus Van Sant nous dise quelque chose de plus profond encore sur l'art, la vie et l'homme. On pourrait même déclarer qu'il lui fallait passer par l'ascèse formelle de Last days pour pouvoir retrouver les pouvoirs de ses premiers films, mais décuplés, renouvelés. Son montage a repris de sa vigueur, les durées sont moins soulignées, moins systématiques, le cadrage de ses plans nous apparaît plus instinctif, plus souverain; on y trouve même un incroyable plan de grue, impensable dans le système des précédents longs-métrages. C'est un film qui nous fait étrangement penser au Godard des années 80, où chaque scène n'excédait pas un découpage de trois plans; comme dans Soigne ta droite (1987), il semble que le cinéaste aime à régénérer ses forces dans l'observation d'une jeunesse explosive; les Rita Mitsoukos laissent ici la place à une bande de skateurs impériaux, filmés comme la Horde Sauvage de Sam Peckinpah. Paranoid Park est un merveilleux film, un film nonchalant et optimiste qui tranche avec la gravité de Last Days. Certains lui reprochent déjà de ne pas se renouveler : honte à vous, hommes de peu de bonne foi !


Death Proof- Boulevard de la mort


Ainsi donc Tarantino est un cinéaste prolétaire, selon les mots de Pierre Rissient. C'est donc qu'on se moque du peuple, qu'on le méprise et qu'on le rabaisse. Passons sur la puérilité du propos, constante chez le réalisateur de Kill Bill; ce qui nous choque, c'est d'avantage la paresse du récit, sa complaisance pour une parole du vide et de la vulgarité, l'obsession du réalisateur (puisque tel est le métier de Tarantino) à faire comme dans les années 70, lorsque ses goûts musicaux et cinématographiques ne révèlent de la glorieuse décennie que l'aspect le plus pauvre et le plus mercantile. Notons pour finir que ce film durait près de 40 minutes et qu'il a été gonflé de plusieurs séquences "dialoguées" pour atteindre la durée "standard" d'un long-métrage de 2 heures et 7 minutes ! Un film répugnant de bêtise autoproclamée.

A.M